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L’absence de retranscription intégrale des débats en correctionnelle est conforme à la Constitution

Pénal - Procédure pénale
20/09/2019
Le Conseil constitutionnel se prononce sur la constitutionnalité de l’article 453 du Code de procédure pénale, relatif aux notes d'audience établies par le greffier lors des débats devant le tribunal correctionnel.
Le premier alinéa de l'article 453 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 23 décembre 1958 (Ord. n° 58-1296, 23 déc. 1958, JO 24 déc.), prévoit qu’il incombe au greffier de tenir note du déroulement des débats et principalement, sous la direction du président, des déclarations des témoins ainsi que des réponses du prévenu. Mais quid, dans ce cadre, d’une éventuelle retranscription intégrale, voire verbatim, des débats devant le tribunal correctionnel ? Quelle est la part de subjectivité admise dans la retranscription faite par le greffier ? Quelles conséquences sur l’exercice des droits de la défense ?

Telles étaient les interrogations ayant conduit à la formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), formulée de la façon suivante : « L'article 453 du Code de procédure pénale est-il conforme à la Constitution (article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789) et aux principes du procès équitable, de la loyauté des débats et d'égalité, dès lors que la preuve des échanges entre les parties et la formation de jugement à l'audience est subjectivement rapportée par le greffier de manière synthétique et non-intégrale dans un système où l'oralité des débats est le principe ? ».

La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait estimé, en juin 2019, que cette QPC présentait un caractère sérieux : les termes du texte ne garantissent pas au prévenu de pouvoir disposer d'une transcription complète du déroulement des débats et des déclarations faites à l'audience, ce dont il pourrait en résulter une atteinte aux droits de la défense (Cass. crim., 25 juin 2019, n° 19-90.022). La QPC était donc renvoyée au Conseil constitutionnel.
 

Sur la conformité au droit à un procès équitable et aux droits de la défense


Le requérant soutenait que les dispositions contestées méconnaîtraient le droit à un procès équitable et les droits de la défense : dans la mesure où elles n'imposent pas au greffier de retranscrire intégralement les débats qui se déroulent lors d'une audience devant le tribunal correctionnel, le prévenu serait dans l'impossibilité de démontrer que le procès ne s'est pas déroulé dans le respect des formes prescrites.
Le Conseil constitutionnel convient que si certaines mentions relatives au déroulement de l'audience doivent également figurer dans ces notes en application de plusieurs dispositions du Code de procédure pénale, aucune disposition légale n'impose une retranscription intégrale des débats tenus lors de l'audience.

Toutefois, pour répondre aux griefs formulés, il est relevé que toute partie à une audience correctionnelle peut établir par tout moyen la preuve de l'irrégularité de la procédure suivie lors de cette audience correctionnelle, le cas échéant par la voie de l'inscription de faux.
De plus, l'article 459 du Code de procédure pénale permet de déposer devant le tribunal correctionnel des conclusions faisant état d'une telle irrégularité. Or, selon ce même article, le dépôt de ces conclusions est obligatoirement mentionné dans les notes d'audience et le tribunal est tenu d'y répondre dans son jugement.
En outre, les parties à l'audience peuvent demander auprès du président du tribunal correctionnel qu'il leur soit donné acte dans les notes d'audience de propos tenus ou d'incidents.
Dès lors, selon le Conseil, il ne résulte pas des dispositions contestées l'impossibilité pour une partie d'apporter la preuve de l'existence d'une irrégularité ayant affecté le déroulement d'une audience correctionnelle. Les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un procès équitable et des droits de la défense doivent en conséquence être écartés.

 

Sur la conformité aux principes d'égalité devant la justice et devant la loi


Le requérant soutenait également que l'article 453 du Code de procédure pénale violerait les principes d'égalité devant la justice et devant la loi, pour deux raisons :
  • d'une part, le choix des propos faisant l'objet d'une transcription dans les notes d'audience serait soumis à la subjectivité du greffier et du président de la juridiction, créant ainsi une situation inégalitaire entre les justiciables ;
  • d'autre part, dès lors que la cour d'assises, devant laquelle des règles distinctes s'appliquent pour les notes d'audience, est compétente pour juger des faits de nature correctionnelle en application du principe de plénitude de juridiction, il en résulterait une différence de traitement injustifiée entre des personnes poursuivies pour des délits selon que ces derniers sont jugés par un tribunal correctionnel ou par une cour d'assises. Il en serait de même, s'agissant de personnes ayant commis des faits de nature criminelle, selon que ces faits sont renvoyés devant la cour d'assises ou font l'objet d'une correctionnalisation.
Après avoir rappelé les termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, et sa combinaison avec l'article 16, le Conseil constitutionnel rappelle une fois encore que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense.

En ce qui concerne l’article 453 du Code de procédure pénale, il estime que les dispositions contestées n'instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement dans la tenue des notes d'audience entre les personnes poursuivies devant le tribunal correctionnel. Le fait qu'une personne puisse être jugée pour un délit par la cour d'assises ou pour un crime requalifié en délit jugé par le tribunal correctionnel ne résulte pas des dispositions contestées. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit donc être écarté.
 
Il résulte de tout ce qui précède que le premier alinéa de l'article 453 du Code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.
Source : Actualités du droit